Expérience vécue il y a plus de vingt ans. Ce texte, et quelques autres qui viendront, pour témoigner et échanger sur les
états modifiés de conscience ...
Quelle panique tout à coup dans ce stage !
Un stage de développement personnel, animé par un thérapeute-“voyant” : il voit l'aura, les énergies, les chackras et sait travailler avec cela.
Depuis deux jours l'ambiance est bizarre. Une personne a un comportement qui dérange ... vraiment beaucoup. Et les discussions, les
critiques, les jugements excessifs et rapides fusent. Surtout dans le cercle de ceux qui se sentent proches du thérapeute. Mais rien ne se dit clairement, et le thérapeute lui-même contribue à
amplifier la tension en diabolisant la personne concernée.
Depuis le début du stage, je vis une grande intensité intérieure. Je me défends de quelque chose. Je participe au groupe avec une
irrésistible distance dont je ne comprends pas l'origine.
Ce soir, l'excitation et l'énervement sont à leur comble. La personne incriminée s'est couchée par terre dans le sous-bois, autour
d'un arbre, dans le bosquet, à proximité de la maison. Elle semble bien déterminée à agir comme elle l'entend, malgré l'orage des pressions diverses qui se déchaîne sur elle. Le thérapeute est
complètement déboussolé, énervé. Il dramatise, ne sait plus quoi faire, face un comportement qui lui semble déboucher sur tout les excès : passage à l'acte, dénonciation hystérique auprès des
autorités, ? ...
Une “expédition” est faite pour ramener de force la “furie”. Je suis le mouvement, sans prendre vraiment au sérieux cette crise émotionnelle. Mais sensible à la tension du groupe : chacun de dire
son mot, de proposer une solution, tous affolés à différents degrés par ce crime de lèse-thérapeute, et par l'état du thérapeute lui-même !
Celui-ci se demande s'il ne faut pas appeler le SAMU ... Enfin, une idée intelligente est proposée et adoptée : que l'on se réunisse dans la salle de travail pour essayer de voir clair. Et puiser
quelque conseil dans un livre du “Maître”, ouvert au hasard.
En moi, la tension est extrême, très différente d'une tension nerveuse. Comme Si la conscience reliait le froid extrême d'une intense
lucidité et la chaleur d'un immense amour. Je regarde cet affolement, cette grandiloquence avec une distance de plus en plus grande, une sorte de sourire profond - conscience de la comédie
humaine - perception d'une dimension sacrée, vaste et puissante, qui résout et unifie, le désordre apparent de l'instant ... Cette dimension “extra-terrestre” réduit le cirque de l'inconscience
humaine à la taille d'une bulle microscopique dans un océan de vie.
Je suis à la fois avec ce cirque, percevant tensions, affolements, réactions, peurs ... et hors de ce cirque comme le soleil est
au-delà des tempêtes, jamais affecté par elles. Ma conscience inclut les pôles extrêmes d'une polarité ... Sans trouver la solution, l'acte intérieur, qui réduit à un soupir le trouble présent,
et qui révèle le Sens.
Tout ces gens bougent, animés par des forces intérieures inconscientes, comme des marionnettes : jouets de leurs ambitions, de leurs
peurs, de la trame complexe qu'ils ont tissée entre eux ...
Je me tiens debout immobile un instant, dans la pièce où tous se retrouvent. La certitude et le sentiment d'un axe et d'une conscience inébranlable, immobile et calme, ne me quittent pas. Instant
d'arrêt, de simplicité totale :
“Où est-ce que je m'assois, maintenant ?” ...
Et je sens-et-comprends : “Il n'y a rien à faire.”
Au centre, au centre de soi, tout est simple, et Paix. Faire, c'est sortir de ce centre de paix. Et tous ici, moi y compris jusqu'à
cet instant, nous voulons “faire” quelque chose.
Je m'assois, comme un enfant se pose et ramasse un coquillage sur la plage. Par terre, tranquille, dans l'extase de cette révélation.
Paix immobile et dynamique ... retour à l'Unité ... libre retour au calme des énergies émotionnelles et spirituelles. L’être intérieur, un dans la conscience, unifie toute les forces et énergies
jusqu'alors en conflits.
Je suis au centre de cette conscience. La vie retrouve son ordre. Au coeur de cela, comme le cyclone s'épuise et se disperse quand
l'énergie cesse de le nourrir, et que le soleil dissipe les derniers nuages, le tourbillon psychique s'apaise, et trouve l'axe autour duquel toutes les polarités s'équilibrent : une conscience
paisible et entière, face aux opposés qui se déchirent.
Je parle au thérapeute de ma “découverte” : “Tiens ! C'est futé.” Pas envie de dire plus loin. Cette conscience interdit de tricher,
de ramener à soi.
Cette paix intérieure diffuse dans la pièce. La violence du cercle émotionnel, où chacun amplifiait par son inquiétude et son
énervement, l'inquiétude et l'énervement des autres, est brisée. Déjà un calme étrange règne ici ... Les gens vont aller se coucher, s'ils sont en état de le faire.
Je sors et vais dans l'espace-cuisine.
Une barrière est rompue.
Un fluide presque palpable, doux, merveilleux, chaleureux commence à m'envahir. Il descend sur moi, pénètre mon être, envahit mon corps. Il descend par la tête, rayonne par le corps, le remplit,
et nourrit la terre par mes pieds.
Je ressens, physiquement, intensément, une immense puissance, une immense énergie
d' A M O U R.
Cela m'inonde, me remplit, enivre et déborde mon être tout entier, par delà les limites du corps physique ...
Et cela continue, continue, continue ...
Je suis assis, au coin de la table de la cuisine. Une personne, puis deux, remarquent la tranquillité et le bonheur qui est là. Elles
s'installent, à coté de moi, nous parlons peu, nous sommes surtout dans la perception de ce qui se passe, en nous, autour de nous.
Un jeune homme du stage passe devant nous, le visage tiré, les yeux épouvantés par la folie effleurée ... En lui, la peur, le besoin
d'agir inassouvi, l'impuissance ...
Rares sont ceux qui remarquent ce qui se passe en moi. Leur misère est trop puissante, trop envahissante. Cela me fait sourire : ils l'ont bien cherchée, et elle est si peu, face à la puissance
de la vie. Cela éveille en moi la compassion : comment pourraient-ils trouver leur chemin, au milieu du capharnaüm de leur intériorité ? Et quel désespoir en eux ...
Le temps passe. Installé dehors sur des matelas, avec deux ou trois personnes, je reçois le ciel étoilé, la beauté du monde, la folie
des hommes, si proche, et la présence de l'amour, la chaleur des gens, la respiration de la vie ... Pas sommeil : paix, paix active ... Le sommeil m'emporte finalement, tard. Tout reste là, en
moi ...
Une certitude s'écrit : ce thérapeute, cet homme n’a rien à m’enseigner. Il est aveugle sur son propre aveuglement. Il prétend agir,
décider, guérir les autres, mais il n'a pas encore regarder, face à face, sa propre folie.
Il ignore ce qu'est, la véritable - Vie Spirituelle -.
Il continue de s'empoisonner, et d'empoisonner le monde autour de lui, à travers sa logique du bien et du mal, les certitudes d'un attachement maladif à un maître,
et à ses pouvoirs personnels dont il ne perçoit pas le vide.
Comment peut-il aimer, connaître et sentir ?
Son coeur n'est pas ouvert.
Il ne demande pas, il n'écoute pas
Comment l'aide de Dieu pourrait-elle lui parvenir ?
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Satori : mot japonais désignant une expérience mystique dans laquelle les frontières du moi sont temporairement abolies, et qui met l'être en contact avec la
dimension cosmique de la vie.
Le satori prélude l'expérience de l'Eveil (ou Illumination) dans laquelle la conscience individuelle cesse définitivement d'être séparée de la conscience
cosmique.
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